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La folle histoire de Dalkurd, le club kurde qui s’apprête à monter en D1… suédoise

La folle histoire de Dalkurd, le club kurde qui s’apprête à monter en D1… suédoise

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Par Sacha Dahan

Publié le

La première division suédoise pourrait bien accueillir la saison prochaine le club de Dalkurd, fondé seulement en 2004 dans la ville de Borlänge. Mais surtout, il représente l’espoir de toute la communauté kurde, à pourtant plus de 5 000 kilomètres du Kurdistan.
Parce que l’amour du football n’a généralement pas de frontière, il ne suffit pas toujours d’avoir une équipe nationale pour supporter onze hommes tapant dans un ballon. Au Moyen-Orient, le peuple kurde, fort de 40 millions de personnes, doit regarder à près de 5 000 kilomètres d’Erbil, la capitale du Kurdistan, pour vibrer au rythme du cuir. C’est même en Scandinavie qu’ils doivent trouver leur bonheur : à trois heures en voiture de Stockholm, la petite ville de Borlänge abrite l’histoire la plus folle du foot suédois, comme le raconte un article du Göteborgs-Posten en juin, repris récemment par le Guardian.
En ballotage très favorable pour la montée en Allsvenskan, la première division suédoise, le club de Dalkurd s’apprête à réaliser un des plus gros exploits du football scandinave. Situé dans la province de Dalécarlie et fondé par neuf migrants kurdes en 2004, il a gravi les échelons de la pyramide suédoise à une vitesse record, mais qu’importe : à Dalkurd, l’objectif premier est loin d’être sportif.
Là-bas, le drapeau kurde est difficile à rater. Le rouge, le blanc et le vert flottent au Domnarvsvallen, le stade du club, et même le logo est frappé des trois couleurs. L’identité kurde est si forte que désormais, tout l’espoir du peuple repose sur l’équipe.

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Champion chaque année entre 2005 et 2009

Quand Ramazan Kizil, actuel président du club, participe à la création de Dalkurd en 2004, les fondations sont encore loin d’être assurées. Arrivé en Suède quinze années plus tôt, il engage plusieurs joueurs de l’IK Berge, l’autre club de Borlänge, alors licenciés pour problèmes disciplinaires. L’osmose entre ces hommes aguerris et les quelques Kurdes de l’effectif est parfaite, d’autant plus que le travail fourni pour des amateurs à l’époque était conséquent : quand leurs adversaires ne s’entraînaient alors pas plus de deux fois par semaine, les protégés de Kizil passent eux deux heures par jour sur les terrains d’entraînement. Dalkurd progresse irrémédiablement, et gagne le titre chaque année entre 2005 et 2009, jusqu’à atteindre une certaine stabilité en division one, soit l’équivalent de la D3.

Nous voulons dire un grand bravo à notre capitaine @Pashazizi qui se marie aujourd’hui, que lui et sa femme aient une longue et heureuse vie ensemble !

1,5 million de fans sur Facebook

Un coup d’œil sur les réseaux suffit à mesurer la popularité du club au-delà de la Scandinavie : une page Facebook consacrée au club (non officielle) possède 1,5 million de fans. Sans équivalent dans le pays de Johan Elmander et de Victoria Silvstedt. Il faut dire que les enjeux politiques sont inévitablement corrélés aux résultats de Dalkurd, que ce soit au pays ou au Moyen-Orient. La communauté kurde de Suède est la neuvième mondiale, et les difficultés qu’ils connaissent n’ont jamais disparu depuis leur arrivée dans le nord de l’Europe, dans les années 90. C’est pour cela que depuis sa naissance, le rôle majeur que joue le club dans l’intégration des immigrés est immense, comme le rappelle Ramazan Kizil dans le Göteborgs-Posten :

“Tout a commencé comme un projet social, plutôt que comme un club de football. Avant de venir en Suède, nous ne connaissions pas le sentiment d’une nuit de sommeil sans peur. Nous pouvions être arrêtés, fusillés ou torturés à n’importe quel moment. […] Notre principe est que chaque personne du club, du joueur de 6 ans jusqu’au président, discute et prenne soin de tout le monde. Nous créons une famille.”

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Tout le monde parle de Dalkurd, tout le monde rêve de Dalkurd

“Rentre en Suède et rends-nous heureux”

Cette saison, les joueurs d’origine kurde ne sont plus que trois dans l’effectif, mais certains sont devenus des symboles, comme le capitaine, Peshraw Azizi. Son parcours s’inscrit dans la légende du club : arrivé à Sodertalje du Kurdistan à 12 ans, il joue ensuite à Syrianska, club fondé par des Syriaques et des Araméens et dont l’histoire demeure très proche de Dalkurd. Aujourd’hui, il est le porte-parole de l’effectif, car il sait mieux que quiconque à quel point il représente l’espoir de tout un peuple, comme le jour où il décide de visiter un camp militaire de Mossoul, en Irak, en pleine guerre entre les Peshmergas et l’État Islamique :

“Un soldat m’a alors reconnu et m’a demandé : ‘Que fais-tu ici ?’ J’étais choqué. Me connaissait-il ? Était-il un ami de mon père ? Mais il m’a dit : ‘Je te suis depuis trois ans, Peshraw. Tu joues pour notre équipe et tu es le meilleur joueur. Tu ne devrais pas être ici. Rentre en Suède et rends-nous heureux grâce au football.’ J’ai ensuite réalisé que là-bas, les gens nous aiment et nous suivent. Aujourd’hui, la population au Kurdistan supporte le Real Madrid, le Barça ou Dalkurd. Ils me donnent de l’énergie à chaque match.”

C’est ainsi que des académies ont été ouvertes à Borlänge et à Erbil, avec plus de 150 jeunes dans cette dernière. Et depuis que deux frères entrepreneurs kurdes ont racheté 49 % du club en février dernier, ils ont désormais les armes pour s’assurer un futur brillant. Les voir deuxièmes du championnat à deux journées de la fin est donc tout sauf une surprise. Une seule victoire suffirait alors pour s’assurer la montée directe en Allsvenskan (D1), pour se rapprocher encore plus de leur rêve ultime : disputer la Ligue des Champions.

Quelques photos de l’académie Dalkurd au Kurdistan. Avec personne d’autre que le capitaine Peshraw Azizi