Avant l’Euro de cécifoot, entretien avec Yvan Wouandji, star française de sa discipline

Avant l’Euro de cécifoot, entretien avec Yvan Wouandji, star française de sa discipline

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Par Sacha Dahan

Publié le

Dimanche 17 août, l’Équipe de France de cécifoot entamera son Euro, qui se déroule à Berlin. Si cette discipline peine à être médiatisée en France, elle possède néanmoins une tête d’affiche en la personne d’Yvan Wouandji, star internationale de cécifoot. 
La dernière fois que des Bleus ont affronté l’Allemagne pendant un Euro, c’était en juillet 2016, lors d’une soirée magique marquée par un doublé d’Antoine Griezmann, envoyant les Bleus en finale de la compétition. 
Dimanche, c’est l’Équipe de France de cécifoot qui affrontera la Mannschaft, pays organisateur de cet Euro pas comme les autres. Et les Bleus pourraient bien trouver en Yvan Wouandji, aveugle depuis ses 10 ans, son Antoine Griezmann. Entretien. 


Comment s’est passée cette préparation pour l’Euro ?
Il faut savoir déjà qu’on a un nouveau sélectionneur, nommé depuis janvier, qui s’appelle Samir Gassama. On a effectué 5 matches de préparation : deux contre l’Italie, deux contre la Pologne et un contre la Belgique, pour un bilan de 4 victoires et une défaite. Au total, on a inscrit 11 buts sur ces 5 matches, pour 3 encaissés. Donc le bilan est globalement positif.
Vous avez déjà raté les JO de Rio l’année dernière, donc pour vous le podium est presque impératif…
Effectivement, on ne s’est pas qualifié pour les paralympiques et ça a été un gros crève-cœur de ne pas faire cette compétition-là. Donc le podium est déjà très important pour se rassurer psychologiquement et pour montrer que ça va mieux après cette mauvaise passe. Ensuite, il faut montrer au monde du cécifoot que l’Equipe de France est toujours là et qu’elle n’est pas en perdition. Et puis surtout, les trois premières places de l’Euro sont qualificatives pour le Mondial 2018 qui se déroule à Madrid. Le podium est donc très, très important. 
À quoi ressemblera le quotidien des Bleus durant cet Euro ?
On aura 4 matches de poule dans un groupe de 5 (l’Allemagne, l’Italie, la Roumanie et l’Angleterre). On aura donc des matches tous les jours. On se repose le matin et on a un petit entraînement l’après-midi. Mais comme on jouera tous les jours, on privilégiera le repos et les siestes et les entraînements ne seront jamais lourds. Nous jouons sur des petits terrains, donc les matches, qui durent 50 minutes, sont très intenses. C’est comparable au five au niveau de l’intensité. Et la récupération est donc très importante.

Parle-nous un peu de ton parcours personnel : comment en es-tu arrivé au cécifoot puis à avoir un niveau international ?
J’ai perdu la vue à l’âge de 10 ans à cause d’un décollement de la rétine puis j’ai rejoint une école spécialisée où j’ai appris plein de choses sur mon handicap, sur le braille, etc. Étant passionné de sport, j’ignorais qu’on pouvait avoir un handicap et faire du sport. C’est donc au sein de cette école que j’ai appris l’existence du foot pour non-voyants.
Pour te dire, au début je croyais que c’était une blague, je ne savais même pas que cela existait. J’ai découvert la discipline à 13 ans, ce qui était trop jeune pour faire des championnats (il faut avoir 15 ans minimum). Je me suis donc entraîné pendant deux ans puis j’ai intégré le club de l’AVH Paris Cécifoot, et aujourd’hui je joue pour le club de Saint-Mandé. L’intégration au groupe international s’est faite naturellement puisque mon entraîneur en club était également le sélectionneur de l’époque, et il m’a repéré. J’ai ainsi participé à ma première compétition en 2010, lors du mondial en Angleterre.
Tu es surtout connu pour ce but contre Allemagne, en 2015, qui a fait beaucoup de bruit…
Oui, c’est ça. J’ai un style de jeu très particulier car je suis rapide et très technique. À la base, on passe très peu le ballon, puisqu’on ne le voit pas… Mais mon style fait que je le garde encore plus, sans pour autant faire des sprints en ligne droite : je fais beaucoup de double contact par exemple. Et comme j’ai une grosse frappe, tous les ingrédients étaient un peu réunis pour donner un joli but. Résultat, la vidéo a fait un paquet de vues et a fait pas mal de bruit. Ça fait plaisir, car ça a offert une grosse promotion au cécifoot et un bon coup de projecteur. Peu de gens connaissaient ce sport avant cette vidéo par exemple.

Explique-nous les spécificités du cécifoot.
Le cécifoot, qui existe depuis bientôt 30 ans en France, se pratique sur un terrain de handball, sur du synthétique, généralement. C’est du 5 vs 5 et seul le gardien de but est voyant. Les 4 joueurs de champ ont ainsi un bandeau sur les yeux, par souci d’équité, car il y aussi des malvoyants parmi les joueurs de cécifoot. Ensuite, il y a des clochettes dans le ballon qui nous permettent de l’entendre. Enfin, le terrain est divisé en trois zones : le gardien n’a le droit de parler qu’à ses défenseurs, l’entraîneur ne peut parler qu’aux milieux de terrain et les attaquants ont un guide, voyant, et placé derrière les cages adverses qui les oriente.

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