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Mais pourquoi tout le monde aime Javier Pastore ?

Mais pourquoi tout le monde aime Javier Pastore ?

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Javier Matias Pastore (psg) during the French Championship Ligue 1 football match between Paris Saint Germain and FC Nantes on May 14, 2016 at Parc des Princes stadium in Paris, France – Photo Stephane Allaman / DPPI

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Par Julien Choquet

Publié le

EDIT : cet article a été écrit en octobre 2016, quand Javier Pastore était encore un joueur du PSG.

Chaque semaine autour de la machine à café ou sur les réseaux sociaux, le débat fait rage : “Pastore ? Arrête, il est surcôté…
Pour les supporters parisiens, cet argument fait hérisser le poil. Pour comprendre l’amour qui gravite autour de l’Argentin, nous avons décidé d’interroger quatre fans du PSG, qui ont tous succombé au charme d’El Flaco : Mathieu Faure (journaliste à SoFoot et Nice-Matin), OptaQuin (créateur du compte @Pastorisme), SaoTao et Matthieu Martinelli (maîtresses secrètes de Pastore depuis 2011).
Football Stories | Si je te dis “Javier Pastore”, qu’est ce que ça t’inspire instinctivement ?
Mathieu Faure | De l’amour. C’est comme être enveloppé dans les bras d’un nounours géant. On te dit : “Allez viens“, et tu y vas, sans réfléchir. Tu sais que tu vas être dorloté. Javier, c’est ça. Une caresse. Une poésie. Un bon moment. Court. Intense. Inattendu. C’est un plaisir simple de la vie, en fait. Une sucrerie. Voilà, c’est une belle sucrerie.


Sao Tao | Le football avec un grand F. Ce joueur n’est pas comme les autres. Il transmet des émotions qui dépassent la simple frappe, ou le simple but. Son élégance et sa vista en font un des derniers de son espèce.
OptaQuin | Un afflux sanguin dans mon seul et unique corps spongieux et caverneux, une érection quoi.
Matthieu Martinelli | Un meneur argentin, comme on se le représente et avec tout ce que ça suppose. La conduite de balle tête levée, la recherche systématique de la passe qui tue, le goût immodéré pour les petits ponts, et l’utilisation récurrente des surfaces de contact peu communes (talon, semelle, exter).
Quand on lit les déclarations des fans du PSG, on a l’impression qu’il a le statut de “chouchou du club”. D’où vient cet amour ?
Mathieu Faure | C’est un tout. Le mec est meneur de jeu et Argentin : dans l’imaginaire des gens c’est la définition même du football romantique. C’est Riquelme, Aimar, Ortega, Maradona. Quoi de plus beau qu’un joueur de football avec le maillot argentin et le numéro 10 dans le dos ? C’est l’image même du football pour moi. Ensuite, à Paris, tu as toujours eu un faible pour les meneurs de jeu, c’est dans l’ADN du club : Dogliani, Dahleb, Susic, Raï, Ronaldinho. Et puis voilà, Javier, c’est le jeu, c’est le goût de la passe, de l’esthétisme, du petit pont, de l’extérieur du pied, de l’ouverture de 40 mètres, de la passe entre les deux défenseurs, du contrôle porte manteau : c’est tous les beaux gestes du football dans un même corps. Alors oui, tous les beaux gestes ne sont pas forcément utiles mais quand tu viens au stade, au départ, c’est pour voir du football. Avec tes yeux d’enfant, tu veux être émerveillé. Pastore, c’est ça.
Sao Tao | Je pense que le fait qu’il soit la première recrue phare de l’ère QSI joue beaucoup. Son comportement avec le club est admirable. Il a toujours été droit, en acceptant par exemple d’avoir le même salaire que Digne et Rabiot malgré 3 ans d’ancienneté. Et puis encore une fois pour son jeu. Il a un profil unique que nous n’avons pas et qui ne peut être remplacé dans notre effectif.

OptaQuin J’imagine que ça vient surtout du fait qu’il tranche avec le football d’aujourd’hui. Le traitement du football moderne est tel qu’on est en constante recherche d’efficacité : on veut du résultat, ce qui se traduit bien par les statistiques. Javier c’est le joueur que tu aimes justement parce qu’il ne rentre pas dans ces analyses. Certains diront que c’est par romantisme : c’est certainement le cas.
Matthieu Martinelli | Je vois 3 raisons. D’abord le fait que ce soit la première “star” étrangère à avoir été recrutée sous l’ère QSI. D’une certaine manière, il symbolisait le retour de l’espoir et de l’ambition au Parc après les sinistres années Colony Capital. Ensuite, son jeu, instinctif et imprévisible, qui te surprend et te fait lever de ton siège. Enfin, sa capacité à élever son niveau quand l’adversité augmente, dans les grandes soirées européennes. Forcément, tout ça contribue à nouer une relation un peu spéciale avec les supporters, ou une partie du moins.

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C’est le seul joueur du PSG pour lequel j’ai acheté un maillot floqué. Je ne l’avais jamais fait avant.

C’est l’un des joueurs qui te fait le plus rêver dans ce PSG version QSI ?
Mathieu Faure | C’est sans doute le joueur pour lequel j’ai le plus d’affection depuis que je supporte le PSG, voilà plus de 25 ans. Petit, j’étais un amoureux de Ginola, j’avais son poster dans ma chambre. Les joueurs élégants et beaux, c’était déjà mon kiff. Mon fils a un an et demi et depuis sa naissance il a une poupluche Pastore dans son lit. Ça fait partie des choses que j’ai envie de lui transmettre . Lui montrer ce que son père aime et apprécie car c’est ce qui façonne aussi ma personnalité. C’est important d’expliquer à ton fils ce que tu aimes dans la vie. C’est le seul joueur du PSG pour lequel j’ai acheté un maillot floqué. Je ne l’avais jamais fait avant.
Sao Tao | Je vais m’attirer des foudres, mais Javier me fait même plus rêver que Verratti par exemple. Il est LE joueur que j’apprécie voir jouer au plus haut point. Ses prises de risques, la façon dont il fluidifie le jeu offensivement… Ce sont des choses qu’on ne voit pas forcément si on ne suit pas réellement le PSG avec Pastore et le PSG sans Pastore.
OptaQuin | Évidemment, avec Thiago Silva et Verratti. Après, on est obligés d’admettre que ces deux-là ont plus compté dans les réussites parisiennes que Javier. Oui, on peut aimer le joueur et être un peu objectif quand même…


Matthieu Martinelli | Bien sûr, et c’est son jeu qui veut ça. Même pour un supporter neutre ou un gamin qui découvre le foot, c’est toujours les joueurs différents qui nous émerveillent. Une récup’ dans les pieds sans se jeter de Silva, un râteau de Verratti, une rabona de Di Maria, une reprise “kung-fu” d’Ibra, et une ouverture exter’ ou un petit pont avec la semelle de Pastore.
Si tu devais ressortir une action, un but, une passe, un Vine (RIP), ça serait quoi ?
Mathieu Faure | Trois choses. Tout d’abord son premier match européen contre Differdange. Il colle deux petits ponts en 20 minutes. Tu te dis “ok, c’est mon gars, lui“. Ensuite, son match au Nou Camp en 2013, en quart de finale. Il est fantastique. Il vole sur la pelouse. Et puis forcément son but contre Chelsea au Parc des Princes.
Sao Tao | Bien sûr, son but contre Chelsea qui est à mon sens le plus beau but inscrit sous l’ère QSI. Non seulement pour son exécution, mais aussi pour son timing. J’ai des frissons chaque fois que je le regarde. Je retiendrais aussi son but à Barcelone. Deux fois où réellement il nous met un pied et deux orteils en demi-finale de C1. Mais ce qui caractérise sans doute le plus Javier Pastore, c’est sa passe pour Cavani contre Troyes sur le 3e but parisien. De la créativité pure, de la création d’espace, là où toi même de ta télé tu n’en vois pas.
OptaQuin | Le but au Parc contre Lyon face à Lloris… le commentaire de Margotton à ce moment-là. C’est peut être pas sa plus belle action depuis son arrivée, mais c’était le moment où il a semblé le plus proche d’avoir une vraie régularité.
Matthieu Martinelli | Je vais pas être très original, mais là, comme ça, ce serait le but face à Chelsea. Du stade c’était la folie, personne n’en revenait, même dans le métro 1 heure après. Un but incroyable, une euphorie immense : on s’est tous vus en demi-finale à ce moment-là je pense, avec un réel espoir d’aller chercher la LDC. C’est peu dire qu’on est tombés de haut six jours plus tard (rires).

Honnêtement, beaucoup se demandent d’où vient cet amour. Il enchaîne les blessures depuis un moment, et il passe plus de temps à l’infirmerie que sur une pelouse (9 titularisations l’an dernier, 9 cette année). Ça ne t’énerve pas ?
Mathieu Faure | Non, au contraire. Être fan d’un mec infaillible, à la longue, c’est chiant. Quand t’es en kiff sur Messi, tu n’es jamais surpris. Le type plante tout le temps, dans tous les grands matches, à chaque fois. Avec Javier, t’es forcément surpris puisque son inconstance est sa principale qualité. Tu ne sais jamais sur quoi tu vas tomber, en fait. Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui. J’apprécie le fait qu’il ne fasse pas l’unanimité, ça m’en laisse plus, quelque part. C’est un peu ton plaisir égoïste. Il n’est pas parfait, passe parfois à côté de ses matches, se blesse souvent, mais ça renforce ta passion pour lui car ça rend ses moments de grâce plus rares, et ce qui est rare est précieux et inestimable. Il faut savourer chaque bon moment car tout est fugace et peut disparaître. Pastore, c’est ça, un plaisir rare et intense. Comme une bonne chanson. Ça a une durée déterminée par le temps. À la fin du titre, c’est fini. Pastore c’est pire puisque tu n’as aucune idée de la longueur du kiff, alors tu savoures chaque instant comme si c’était le dernier.

Sao Tao | Évidement, on aimerait vraiment l’avoir plus que ça sur le terrain. Mais c’est un tout. Va demander aux Interistes pourquoi ils aiment tant Recoba. Je pense que depuis l’ère Ronaldinho, on a eu un tel vide niveau magicien qui sort du lot que Pastore est venu le combler. Alors on lui passe certains trucs, comme ses nombreuses blessures, pour l’amour du football.

“Pastore, c’est le mec discret qui veut juste faire des ouvertures de l’extérieur du pied parce que c’est beau”

OptaQuin | C’est irrationnel, on n’est pas dans l’analyse objective des performances d’un joueur. C’est de l’affect. Surtout, il y un élément que tout le monde oublie, c’est le déferlement médiatique qu’il s’est pris lors de sa deuxième et troisième saison au club. L’amour inconditionnel pour Javier est né à ce moment-là, en réaction à une critique disproportionnée. “Il a couté 42 millions d’euros” et autres bêtises, alors que certains brillants twittos ont écrit des articles qui montrent très bien que l’indemnité de transfert n’est pas représentative de la valeur intrinsèque d’un joueur. C’était une réaction irrationnelle à une critique largement exagérée. En même temps, le talent, ça énerve et le bon goût, ça se cultive. Mais, c’est un peu comme dans un autre domaine, celui de la musique. On demande pas son avis sur A Tribe Called Quest à un gars qui aime sincèrement JuL. N’est-ce pas ?
Matthieu Martinelli | Non, le foot est pluriel, chacun a sa sensibilité, ses préférences et sa manière de voir le jeu. Personne n’est obligé d’aimer tel ou tel joueur.
On a parfois l’impression qu’il possède cet avantage de chouchou, ce qui fait qu’il échappe plus facilement aux critiques qu’un autre. Vrai ou faux ?
Mathieu Faure | Disons qu’il a un côté à part, ce n’est pas un personnage très médiatique, déjà. Il parle rarement dans la presse, ne fait pas de vagues, mène sa petite vie de famille pépère. Et puis c’est le type qui peut te débloquer un match sur une action, alors tu fais toujours preuve de plus de mansuétude même si, à force, t’es en droit d’exiger tellement plus d’un mec comme ça. C’est sans doute lié à sa personnalité. Ibra, tu lui demandais plus car il avait une grande gueule, il avait ce côté théâtral. Pastore, c’est le mec discret qui veut juste faire des ouvertures de l’extérieur du pied parce que c’est beau.
Sao Tao | Je dirais vrai et faux. Disons que Pastore, c’est la cible idéale. La plupart des supporters en France (Marseille et Lyon notamment) passent leur temps à comparer leurs joueurs, même moins bons, à Pastore. Le truc c’est qu’ils ne comprennent pas que Pastore n’est pas réellement un milieu offensif, mais un organisateur de jeu. Les avants dernières passes, on ne les a pas inventées pour justifier son rendement mais on les a soulignées pour montrer son apport dans le jeu. Beaucoup pensent que c’est Verratti l’indispensable et que Pastore n’est rien.. Il suffit de voir avec quelle difficulté le PSG se crée des occasions actuellement… Pourtant Verratti est là. Alors je dirais que Pastore reçoit beaucoup de critiques à tort liées à ses stats et à ses pertes de balles. Mais quand on a un jeu fait de prises de risques, c’est logique.
OptaQuin | Je ne crois pas qu’il ait échappé aux critiques depuis qu’il est arrivé à Paris. Personnellement, quand il fait un mauvais match, je ne défends pas sa performance, j’essaie de démonter la critique des autres. Ce qui est différent. Je te donne un exemple avec un autre joueur : quand le Parc siffle Cavani pour un énorme raté, personne ne dit qu’il a bien joué son action. Je trouve juste que siffler un joueur est contre-productif et irrespectueux des couleurs du club.


Matthieu Martinelli | Pas vraiment d’accord. Son prix d’achat a généré des attentes importantes, parfois démesurées, ce qui fait qu’il a rarement été épargné lorsqu’il traversait des périodes de moins bien. Le Parc l’avait même pris en grippe sur la première moitié de saison 2013-2014. C’est un joueur très clivant, par la nature-même de son jeu qui suppose une part importante de déchet. Parfois, ça entraîne des réactions excessives en fonction de ce qu’on retient de ses matches, qui sont souvent contrastés, avec du (très) bon et du (beaucoup) moins bon.

“Pastore c’est comme avec ta femme : tu la choisis, ce n’est pas pour partir à la première secousse”

Tu penses qu’il pourra enfin trouver cette régularité un jour dans sa carrière ?
Mathieu Faure | Je ne sais pas, j’ai envie d’y croire. C’est tout Pastore, ça. Y croire. Ça fait sept ans qu’on a envie d’y croire. Sept ans qu’on se trompe. Et demain on y croira encore. Et après-demain aussi. Et le mois prochain. L’an prochain. Tu te dis qu’à un moment, le déclic sera là. Même si tu sais, qu’au fond, il restera toujours inconstant. C’est ce qui fait son charme.
Sao Tao | On espère ! En tout cas c’est lui qu’il manque dans ce PSG actuellement. Après les mollets c’est quelque chose de très délicat. C’est musculaire, tu peux te sentir très bien puis d’un coup avoir une pointe qui te fait rechuter, mais s’il enchaîne les matches, pas de doute qu’il sera un titulaire important de ce PSG.
OptaQuin | Je peux pas te répondre autre chose que “je l’espère…”. De manière générale, j’ai arrêté d’essayer de prédire l’avenir dans le foot le jour où je me suis rendu compte que d’essayer de le faire, c’était essayer de dompter l’incertitude du résultat. Or c’est cette incertitude qui nous fait aimer ce sport. Je me contente de regarder les matches et de kiffer, c’est déjà pas mal.
Matthieu Martinelli | Le départ d’Ibra lui ouvre mécaniquement un espace, Pastore étant le seul élément créatif du groupe capable de trouver des solutions dans les 30 derniers mètres. Et la volonté d’Emery d’avoir une possession plus rythmée convient naturellement à ses qualités, donc oui, cette saison doit être celle où il prend les commandes du jeu parisien.


Il a désormais 28 ans : tu lui laisses combien de temps pour prouver et s’imposer comme titulaire avant de divorcer avec lui ?
Mathieu Faure | C’est comme avec ta femme, tu la choisis, ce n’est pas pour partir à la première secousse. Personne ne t’oblige à aimer un joueur. C’est instinctif. C’est comme ça. Alors même s’il en revient à faire le show dans un 32ème finale de Coupe de France aux Herbiers, ça me va. Tu prends ce qu’il faut prendre au moment où ça arrive. Il n’y a pas de conditions à l’amour.
Sao Tao | Jusqu’à ce que la mort nous sépare.
OptaQuin | J’ai accepté le fait qu’il ne sera très probablement jamais un “grand joueur” au sens large du terme. C’est peut être pour ça que je l’aime, il est un peu underground le Javier.
Matthieu Martinelli | L’affection que j’ai pour le joueur restera la même, qu’il soit un élément important de l’équipe ou bien qu’il quitte le club.