Dans le football, l’analogie est souvent risquée mais celle qu’a tentée Nicolai Adam dans le Hindustan Times l’année dernière permet de mesurer l’ampleur de la tâche qui attend l’Inde : “Dans cette Coupe du Monde, le niveau est effrayant. C’est comme affronter le boxeur Vladimir Klitscho. Pas sa mère ou son oncle avec un gros bide.”
Aujourd’hui, le Portugais Luis Norton de Matos a remplacé Adam au poste d’entraîneur de la sélection indienne U17, mais l’ambition reste la même pour la plus grande des compétitions de la catégorie, malgré la défaite 3-0 face aux USA lors de leur premier match ce vendredi. Mais malgré ce résultat, l’équipe revient de très loin. Dans un long format publié cette semaine, ESPN a enquêté sur le chemin parcouru par la sélection depuis 2013, date de l’attribution de la Coupe du Monde.
Indian National Senior Team wishes our U-17 Team all the best before #FIFAU17WC kicks off. All the best boys. Jai Hind. #BackTheBlue pic.twitter.com/U4uQNxx8O7
— Indian Football Team (@IndianFootball) 4 octobre 2017
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14 000 joueurs détectés
Nicolai Adam n’était pas sur le banc pour la première rencontre face aux USA, mais c’est tout comme : la plupart des joueurs qui ont foulé la pelouse du Jawaharlal Nehru Stadium de New Dehli étaient là grâce à lui. En 2015, la fédération indienne (AIFF) lançait un immense programme de détection avec Adam à sa tête, accompagné de l’ancien buteur de la sélection Abhishek Yadav. La carrière de Yadav, qu’il a terminée en 2014, est correcte. Il inscrit 4 buts en 36 sélections, mais surtout, son aventure footballistique ne s’est jamais étendue au-delà des frontières de son pays. De quoi pourtant se former un solide carnet d’adresses pour bousculer le football indien et préparer la sélection U17 pour son Mondial.
We are ready, we are rearing to go: Amarjit Singh #FIFAU17WC #BackTheBlue #INDvUSAhttps://t.co/n7QzNReU1M pic.twitter.com/e50X0urnxs
— Indian Football Team (@IndianFootball) 5 octobre 2017
Dès 2015, la AIFF écume toutes les académies régionales du pays et organise un immense tournoi U14 dans l’espoir de constituer à l’époque l’embryon des pépites qui se lanceront plus tard dans la compétition. Mais si certains joueurs en sont issus, ce tournoi n’était qu’un boulon dans l’immense chantier de la formation indienne : depuis qu’il a été désigné à la tête du programme de détection il y a deux ans, Yadav estime qu’il a vu au total 14 000 joueurs, comme l’a dévoilé le Times of India.
Fils de fermiers ou de menuisiers
Mais la route est longue pour espérer être compétitif face aux grandes nations du football mondial. Alors, la fédération ne lésine pas sur les moyens. Pour choyer au maximum ses joueurs, elle concède beaucoup d’efforts financiers. Les enfants multiplient ainsi les tournées à travers le globe. L’Inde perd beaucoup de matches, mais qu’importe : ils doivent se mesurer aux meilleurs. Au total, les deux dernières années de la sélection s’apparentent à de véritables aventures de globe-trotter : l’Inde joue 113 matches, avec plus de 320 000 kilomètres au compteur.
Sudeva boys welcome #India U17s to their training session. #BackTheBlue #FIFAU17WC pic.twitter.com/2oF8hoeYoJ
— Indian Football Team (@IndianFootball) 4 octobre 2017
Les jeunes travaillent dur, et acquièrent des aptitudes physiques au-dessus de la moyenne. Mais l’amour de ce sport n’est pas la seule chose qui les motive : ils rêvent surtout de s’échapper d’un quotidien loin d’être joyeux, fait de misère et de précarité dans laquelle ils baignent pour la plupart depuis la naissance. Là-bas, les parents des joueurs peinent à arrondir les fins de mois : ils sont tailleurs, fermiers, menuisiers, ou font les marchés pour un salaire dérisoire. Et les exemples sont nombreux.
L’ailier Komal Thatal a longtemps joué avec “des objets ronds fabriqués avec du plastique“. Le père de l’attaquant Abhijit Sarkar (7 buts en 19 apparitions), Haren, gagne quant à lui sa croûte en conduisant des pousse-pousse ou en vendant du poisson au marché. “Nous sommes trop pauvres pour lui donner une éducation de qualité, affirmait-il au Times of India. Mais il a toujours eu la passion du football qui ne l’a jamais quitté, même dans des conditions extrêmes. Je suis fier de lui.”
Une mobilisation totale
The England U17 team indulged in playing with local kids at Shivaji Park to interact more with Mumbai @England #FIFAU17WC pic.twitter.com/LDF5BkXHcb
— Aaditya Thackeray (@AUThackeray) 2 octobre 2017
Résultat : le travail entrepris pour la compétitivité des U17 a fait naître un sursaut d’intérêt au pays. Quelques sélections, comme l’Angleterre, ont même tapé le ballon dans certains quartiers défavorisés. L’amour des Indiens pour le foot grimpe de manière exponentielle, jusqu’à susciter de plus en plus de vocations chez les enfants, qui portent tous en eux l’espoir de quitter la pauvreté. Alors que la plupart des Coupes du Monde U17 se disputent devant 10 000 spectateurs en moyenne, les stades de Kochi ou de Kolkata attendent près de 50 000 fans.
Le deuxième pays le plus peuplé du monde attend désormais ses stars du ballon rond, dans une nation où le kabaddi et le cricket sont les disciplines reines. Et ces dernières mettent même la main à la patte, puisque les plus grands joueurs de cricket, dont certains affichent près de 20 millions d’abonnés, se sont mobilisés sur Twitter pour montrer leur soutien à la sélection. Qui peut laisser s’échapper ses pensées pessimistes : quelques mois après la comparaison d’Adam avec Vladimir Klitschko, le boxeur ukrainien concède face à Anthony Joshua sa deuxième défaite consécutive. Preuve que tout est possible.
Good Luck boys, make us proud! #BackTheBlue #FifaU17WC @indianfootball pic.twitter.com/RlqdgN0w7n
— Virat Kohli (@imVkohli) 2 octobre 2017